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dimanche 27 juillet 2014

Le théâtre classique et la mise en scène moderne, une histoire d’amour interdite

Par la Maman des Dragons

Je vous ai beaucoup parlé de fantasy, de fandom, de fanart, mais je vais vous parler de ce qui me tient le plus à cœur. Non, ce n’est pas Game of Thrones, mais le théâtre. Je vous la fais courte : le théâtre, c’est ma vie depuis que j’ai six ans. Alors, aujourd’hui, alors que les metteurs en scène les plus prestigieux revisitent les classiques de façon moderne, moi je hurle dans mon coin.

Je vais prendre trois exemples que j’ai vus ces dernières années : Roméo et Juliette (théâtre national de Chaillot, mise en scène de David Bobee, du 15 au 23 novembre 2012, d’après la pièce de William Shakespeare), Lucrèce Borgia (théâtre de l’Athénée, mise en scène de Lucie Berelowitsch, du 3 au 19 octobre 2013, d’après la pièce de Victor Hugo) et La Tragédie d’Hamlet (Comédie Française, salle Richelieu, mise en scène de Dan Jemmett, du 7 octobre 2013 au 12 janvier 2014, d’après la pièce de William Shakespeare). Bon, d’accord, ça fait deux Shakespeare contre un Hugo, mais ça se vaut.

Roméo et Juliette, l'art de faire danser des couvertures de survie

Non, il ne s’agit pas d’une nouvelle version de Romeo + Juliet, mais bien d’une mise en scène totalement indépendante de la célèbre pièce. Je ne sais pas si vous êtes déjà allés dans la salle Jean Vilar du Théâtre national de Chaillot, mais c’est une très belle salle. Grande, assez moderne, avec une structure apparente en fer sur les côtés. La scène est très simple, plus de rideaux, bref une salle moderne. La pièce commence bien, un beau décor cuivré, un jeu de communication entre la scène et la salle, tout pour plaire. Pourquoi, expliquez-moi pourquoi, David Bobee a décidé de remplacer certains termes de la belle langue de Shakespeare par des « putains » et autres (surtout quand le père de Juliette la traite ainsi) ? Si ce n’était que ça… Pas de vrais décors  bon, ça va parce que c’est moderne –, mais des gros cubes à roulettes. Ça va. Mais faire danser du break dance à Mercutio, je suis moyen fan.

Juliette n'est plus italienne, mais arabe. Pourquoi pas.
Utilisation à outrance des effets sonores, au point qu’on ait mal à la tête. Projection d’images sur scène, d’accord, mais il ne faut pas être épileptique. Et puis, s’il vous plaît, je lance un appel international aux metteurs en scène : si nous autres, acteurs, nous travaillons notre voix pour apprendre à la porter, ce n’est pas pour que vous mettiez des micros sur scène. Il n’y a rien de pire pour dénaturer une pièce. Ce n’est pas naturel, il y a un effet de distanciation, c’est… beurk. Ah oui, autre chose que je ne comprends toujours pas, même presque deux ans après (je suis allée voir la pièce le 23 novembre 2012) : pourquoi avoir fait sortir les cadavres de Tybalt et de Mercutio en les faisant danser ? Shakespeare avait prévu le coup en plus, reprenons le texte : « LE PRINCE : […] Qu’on emporte ce corps et qu’on défère à notre volonté : la clémence ne fait qu’assassiner en pardonnant à ceux qui tuent. » (traduction de François-Victor Hugo). C’est la fin d’une scène, rien de plus simple pour faire évacuer la scène. Pourquoi donc David Bobee a décidé de recouvrir Tybalt et Mercutio de couvertures de survie et les faire quitter la scène en dansant de la techno ? Expliquez-moi.

S’il y a eu des idées intéressantes et modernes, tout n’est pas à garder. Si je devais donner une note sur dix, ce serait un maigre quatre. Juste parce que Tybalt était vachement mieux foutu que Roméo, et que si j’avais été Juliette, je n’aurais pas hésité.

Lucrèce Borgia ou comment jouer une Italienne version parisienne

Qui n’a pas entendu parler de cette tristement célèbre famille qu’ont été les Borgia ? Je vous les présente en vitesse : Rodrigo Borgia, devenu le Pape Alexandre VI, ses fils Cesare, Giovanni et Gioffre Borgia, sa fille Lucrezia Borgia. Victor Hugo a écrit une très belle pièce sur cette dernière, lui donnant un visage plus humain, différent du visage de monstre dont on peut souvent l’affubler (comme il a été fait dans Assassin’s Creed: Brotherhood). Je pourrais écrire longtemps sur la beauté de cette pièce, le génie d’Hugo et l'erreur que nous faisons en méprisant Lucrèce, mais ce n’est pas ici le but. Je vais vous parler de la mise en scène que je suis allée voir le 12 octobre 2013 avec Alabama.

Les fêtes Borgia dans toute leur splendeur, du WTF total.

Que nous soyons bien d’accord : la pièce se passe en Italie. En Italie. Alors je veux bien que, comme le dit si bien Hugo, on ne va pas pousser le réalisme d’une pièce à l’extrême en écrivant tout en italien, mais s’il vous plaît… Ne demandez pas à une actrice ayant un accent parisien particulièrement prononcé de jouer Lucrèce. S’il vous plaît. Une heure cinquante avec une actrice principale qui chante son texte avec l’accent parisien et qui oscille sur place, incapable de bien se camper. Tout pour décrédibiliser ce magnifique personnage qu’est Lucrèce. Ceci étant dit, parlons de la mise en scène. Selon Alabama, c’est l'exact procédé de Baz Lurhmann pour fabriquer l'ambiance de Romeo + Juliet. Le problème ? C'est qu'ils n’assument rien. Ils ne vont pas au bout de leurs idées. Non, certes. Les grandes lettres lumineuses qui clament « Borgia » (rappelant au passage l'esthétique de Moulin Rouge!, un autre chef d'oeuvre de Lurhmann) et le peignoir de boxeur, pourquoi pas. Mais assumez-le. C’est dommage parce que le décor était joli, assez destroy comme j’aime bien, donnant une ambiance un peu fin du monde (carreaux cassés, plantes grimpantes qui envahissent tout, échafaudages abandonnés). Les costumes sont assez intelligents également, des costards pour les hommes, une robe assez simple mais actuelle pour Lucrèce, ça modernise bien. Mais pourquoi ne pas l’avoir assumé ?

Cette pièce avait du potentiel, un beau jeu de lumière, la musique était cependant un peu trop fort, tous les acteurs n’étaient pas à jeter à la poubelle (nous avons beaucoup aimé celui qui jouait Gubetta et quelques autres acteurs), le décor était prometteur, surtout pour refléter l’âme de Lucrèce. Sur une échelle de un à dix je donnerai un six. J’aurais aimé donner un sept et demi, mais Lucrèce.

La Tragédie d’Hamlet : rien ne va plus à la Comédie Française

Le mariage rêvé : Shakespeare et la Comédie Française. Un des plus grands tragédiens anglais et une des plus grandes troupes françaises. Mais voilà, cette pièce a été un véritable divorce. Alabama témoignera, nous y sommes allées le 8 novembre 2013 : plus jamais. Le divorce. La rupture. Avec perte et fracas. Il y a tant à dire mais ciblons le plus flagrant : l’adaptation, les décors et costumes, les acteurs. Pour faire court.

Commençons par l’adaptation, ou la mise en scène au choix. Alors pour citer Alabama qui ne cessera jamais de le dire : ne jamais prendre Yves Bonnefoy pour une traduction de Shakespeare. Jamais. C’est… il n’y a pas de mots. Qui traduirait « To be or not to be […]? » par « Être ou n’être pas […] ? » Pas François-Victor Hugo qui écrit plutôt « Être ou ne pas être […] ? » Ce n’est pas très différent mais quand on est sur scène, la différence s’entend. Ah oui, autre petit détail de mise en scène : les acteurs (et en tête de liste ceux de la Comédie Française) travaillent leur diction, la façon dont ils diront un texte. Et un texte classique comme celui de Shakespeare se dit d’une façon classique, quoi que l’on fasse, on ne peut pas y échapper. Ils projettent leurs voix, font attention à leur articulation, c’est bien. Enfin. Pas quand Dan Jemmett leur demande d’ajouter des phrases banales entre leurs répliques, du style « wesh ça va ? ». Ça s’entend. Je vous explique vite fait ce que ça donnait : FORT, pas fort, FORT. Ils n’assumaient pas, dommage. Bon, la pièce est longue, je l’accorde, mais quand on fait des coupes, on s’arrange pour que ça soit subtil. Niveau subtilité… Alabama vous en parlera mieux que moi pour le coup.

La chemise turquoise, le dernier hit mode du moment.

Les décors et les costumes, parlons-en. Non, sérieusement. Je propose de prendre rendez-vous avec Dan Jemmett pour qu’on en parle. Soit, la pièce se passe au Danemark. Soit, on ne sait pas très bien quand l’action se déroule. Mais, pitié, ne placez pas Hamlet dans un club d’escrime. N’affublez pas Hamlet d’un costard bleu turquoise et de lunettes de soleil à verres jaunes. C’est le kitsch absolu. Que dire d’autre ? Ah oui, l’utilisation excessive de musique au mauvais moment (ceci dit, c’est intelligent d’introduire un jukebox sur scène pour avoir une excuse pour mettre de la musique). Non mais, sérieusement. La musique, au cinéma comme sur scène, c’est censé souligner l’action. Pas mettre une musique du style I believe I can fly quand Hamlet vient de tuer le père d’Ophélie. Instant tragique de la pièce. Instant où tout va changer. Non non non, le père d’Ophélie meurt de façon absolument pas tragique : il pousse un grand « Ah ! je meurs ! » et tombe sur le jukebox en l’allumant. Toute la salle riait. Pour les larmes de tristesse, on repassera. Une autre chose, les toilettes sur scène c’est pas très classe.

Et maintenant je peux critiquer les acteurs. Je suis désespérée. Je ne sais pas. Ils sont à la Comédie Française, non ? Ils sont censés savoir jouer, non ? Alors pourquoi, dans le tas, il n’y en a qu’un qui valait le coup ? À savoir : Laurent Natrella qui jouait (tenez-vous bien) Bernardo, Valteman, Deuxième comédien, le Marin, Premier fossoyeur, le Prêtre, l’Ambassadeur d’Angleterre. Je vais pleurer rien qu’en y repensant, si si. Ah oui, autre chose : quand on joue Hamlet, on ne fait pas mourir Ophélie d’une overdose de médicament dans les toilettes. Tiens, parlons-en d’elle. Insupportable. Si j’avais pu je lui en aurais retourné une pour qu’elle arrête de geindre. Ah, et dernière chose : on ne joue pas le rôle d'Hamlet quand on a cinquante ans. Il faut que la Comédie Française cesse de faire la distribution en fonction de l'importance de leurs comédiens et commence à penser la personne en fonction du personnage. 

Un véritable divorce, voilà le seul mot qui me vient à l’esprit. J’avais du respect pour la Comédie Française, aujourd’hui, je doute. Ce ne sera qu’un trois, toujours sur mon échelle de un à dix. Voire même un deux.



Voilà. La mise en scène moderne au service du théâtre classique, un grand échec. Je peux vous citer la mise en scène de Britannicus, Théâtre des Amandiers de Nanterre, ou encore Oedipus/bêt noir de Wim Vandekeybus au Théâtre de la Ville (Alabama et moi avons failli nous tirer une balle) (sans compter qu'Alabama avait trente-neuf de fièvre). Mais ceci dit, tout n’est pas à jeter et je peux vous citer la magnifique mise en scène de Twelve Night par la troupe Propeller. Un véritable exemple parfait de l’alliance subtile entre le théâtre classique et la mise en scène moderne. Comme quoi, tout est possible.

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