Par Alabama
Avant-hier,
je proposais un article à Unicorpse sur la modification corporelle. Hier, en le
lisant, une chose m’a frappée : ce qu’elle vit au quotidien à propos de
l’apparence qu’elle a choisi de donner à son corps, moi, je le vis à propos de
la manière dont j’ai choisi de le nourrir. Ainsi, sur le même modèle que Madame
Unicorpse, je vous propose un article sur le végétarisme pour répondre aux
questions ou les réflexions que je commence à connaître par cœur. Genre…
Vraiment, vraiment, par cœur.
Que
les gens soient curieux à l’égard de mon régime alimentaire, je le comprends.
S’il n’y a qu’une chose à retenir de ce que je vais dire, c’est que, le
végétarisme, c’est, pour moi, un choix. Oui, dit comme ça, ça paraît évident.
Mais vous verrez que ça répond à pas mal de petites interrogations qu’on peut
me poser.
D’abord,
depuis quand ? J’ai commencé à arrêter la viande vers l’âge de onze ans.
Mais progressivement, bien sûr. Je n’ai pas arrêté du jour au lendemain. Ça a
d’abord été le porc, la viande rouge, puis la viande blanche. Je n’ai jamais
réellement mangé de poisson ou de fruits de mer, donc cette partie-là n’était pas
un problème. Au début, ce n’était pas vraiment par conviction. J’étais
peut-être un peu jeune pour ça. C’était beaucoup plus simple, et
intrinsèquement lié : dans mon assiette, il y avait du cadavre, dans ma
bouche, il y avait du cadavre. S’il y a des nerfs, du gras, du sang, ce n’est
pas de la nourriture, c’est du cadavre. Voilà
comment je voyais les choses. Au
fil du temps, mon point de vue a évolué. Bon, oui, c’est toujours un bon gros morceau
de cadavre. Je me suis beaucoup renseignée sur les techniques d’abattage, sur
l’influence de la viande sur la santé, sur les problèmes mondiaux dus à la
consommation de viande, sur toutes ces petites choses. Il serait peu utile que
je vous en fasse un compte-rendu, Internet m’a déjà bien devancée en la
matière ! Sachez juste que oui, on peut être végétarien et en très bonne
santé (souvent même en meilleure santé qu’un omnivore) à partir du moment où le
végétarien connaît les besoins de son corps. Non, je n’ai jamais eu besoin de
prendre des vitamines ou des protéines à côté. Non, devenir végétarienne si tôt n'a pas troublé ma croissance (même si je ne recommande pas de
commencer à cet âge-là, mieux vaut attendre ; mais dans mon cas, c’était
arrêter la viande, ou finir en convulsions dans mon propre vomi). Ce sont des
préjugés courants, préjugés que je comprends, résultats d’un manque
national d’informations. La population végétarienne de France a de quoi rougir,
bien loin derrière l'Angleterre, dont nombre de restaurants consacre une page du menu au végétarisme. Mais ce qui m’intéresse maintenant, c’est de répondre clairement aux questions que l’on m’a
posées deux, trois, sept, cinquante fois. Parce que, vous savez quoi ? Je
me rappelle que je suis végétarienne uniquement quand j’en parle. C’est devenu
une telle habitude pour moi que de trier ce que je peux manger ou pas que
c’est aujourd’hui inconscient. Je comprends la curiosité. Mais ça va parfois beaucoup
plus loin. Attention, on met sa ceinture, parce que toutes ces phrases sont
garanties véridiques.
C'est pas du manger, ça. C'est une cuisse en Lego. |
Question
à laquelle j’ai répondue plus haut. Mais c’est à 90% ce qu’on me demande quand
je dis que je suis végétarienne en refusant une tranche de jambon. Ce n’est pas
la question en elle-même qui me dérange. C’est la tronche dégoûtée d’un haut
esprit face à l’absurdité du monde qui l’accompagne.
« Mais tu sais, les hommes chassent les
animaux depuis la nuit des temps. »
Wow,
this one. Déjà, à la nuit des temps, les hommes n’existaient pas. Ensuite, dans
ta nuit des temps, les hommes habitaient dans des cailloux, n’avaient pas de feu
et avait un silex pour iPhone. Bon, maintenant, on a des alternatives, on ne
s’en prive pas. Le végétarisme, c’est pareil : si les hommes ont chassé,
c’est parce que, en très gros, ils sélectionnaient leurs aliments préférés par rapport à ce qu'il y avait autour d'eux. Oui, l’Homme est un animal omnivore, mais rien, dans son organisme, ne l’oblige à manger
de la viande. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir le choix de mon régime
alimentaire. Comme je le répéterai souvent, c’est un choix personnel. Puisque
mon corps se porte tout aussi bien, voire mieux, sans viande ni poisson, j’ai
du mal à voir pourquoi je devrais manger de la chair animale si je n’en ai pas
envie.
« Pourtant, tu portes des chaussures en cuir. »
Ce
point-là est extrêmement important, car nombre de personnes, souvent même végétariennes,
confondent les différents régimes. On trouve tout d’abord les végétariens, la
formule classique. Le végétarien ne mange rien qui ait un jour été un animal : ni
viande, ni poisson, ni fruit de mer. Rien de tout ça. En revanche,
le végétarien mange du lait et des œufs. Le prochain qui me dit qu’un œuf,
c’est un bébé poussin, je l’envoie dans le cours de SVT de ma petite sœur. Si l’œuf a été pondu sans que la poule ait été en contact
avec un coq, l’omelette n’est ni plus ni moins qu’un ovule avec des herbes
fraîches. Il y a des variantes chez les végétariens (dans le pescétarisme, par exemple, on mange les produits de la mer, dans le pollotarisme, la volaille), mais le végétarien lambda, comme
moi, ne mange pas de poisson, et mange des œufs. Je vous jure. Arrêtez de me
dire que votre grand cousin un jour vous a raconté que. Non. S’il vous plaît.
On
trouve ensuite les végétaliens, les guerriers de niveau 2. Un végétalien ne
consomme rien qui sorte d’un animal. Donc ni viande, ni poisson, ni crustacé,
ni lait, ni œuf, ni miel, ni que dalle de tout ça. Les végétariens et végétaliens qui s'autorisent une entorse à leur régime alimentaire lors d'occasions exceptionnelles, comme un dîner au restaurant ou chez des amis, sont flexitariens (oui, on dirait carrément un nom de maladie, je l'avoue).
Et
puis les super boss finaux : les vegans. Un vegan ne consomme ou ne se
sert d’aucun produit provenant d’un animal, ou qui a été testé sur lui. Pas de
laine, pas de cuir, de daim, de maquillage testé sur les lapins, pas de cire
d’abeille pour ses meubles. Oui, ça peut paraître dur, mais le vegan, comme les
autres, est poussé par ses convictions. A partir du moment où ces catégories ne
cherchent pas à s’imposer à autrui, il ne devrait pas y avoir de problème. Le végétarien est parfois peu respectueux des avis différents du sien, tout comme l'omnivore peut l'être. Le régime alimentaire, c'est un peu comme la religion : si tu ne fais de mal à personne, ton choix ne regarde que toi.
« Tu veux imposer tes convictions à tout le
monde ? »
Comme
je le disais, non, c’est un choix personnel, toi, tu fais ce que tu veux, je
m’en fous. J’aimerais juste que tout le monde soit informé comme j’ai pu l’être
grâce à Internet et puisse réfléchir, s’essayer s’il le veut et suivre ses
envies et/ou convictions.
« Ça te fait quoi si on mange de la viande
devant toi ? »
Que
dalle. Si tu manges un lapin cru entier, ça va pas me réjouir, au pire, je
regarderais pas pour te laisser en intimité avec lui.
« Ton corps a besoin de viande, c’est naturel,
tu sais. »
Le
fer, les protéines, ça se trouve ailleurs, je te le jure. Neuf ans de
végétarisme, et encore en vie. Je fais régulièrement des tests sanguins, je
n’ai jamais eu la moindre carence, et, pourtant, tu ne me verras jamais me
délecter d’un steak de tofu ou me faire des piqûres de soja.
« Mais c’est que des animaux. »
Un
animal, ça ressent des émotions et de la douleur. Moi, ça me suffit.
« Une carotte, c’est vivant aussi. »
Sûrement
le commentaire le plus débile de tous les temps depuis la nuit des temps !
(Pardon, c’est mal de se moquer.) Si on parle de vie pour une carotte ou une
tomate, c’est pour insinuer que la plante grandit et meurt. Quand on parle de mort, c'est pour dire que la plante cesse de transformer la lumière du soleil, l'eau et les minéraux qu'elle absorbait pour ressembler à quelque chose. Il n’y a pas de
douleur, pas d’émotion, aucune forme de conscience ou d’instinct (je mets les
deux, pour le jour où un scientifique aura inventé la machine à chercher ce
qu’il y a dans la tête d’un poulet). Je suis bien obligée de manger quelque chose, alors autant manger le truc qui n'a jamais bougé plutôt que le truc qui a un jour galopé à travers une prairie de Normandie (tiens, une vidéo de vache qui galope. Ça vient du cœur.)
« Si un animal mourait naturellement, tu le
mangerais ? »
Une
végétarienne que je connais a répondu à ça : « Et si ta mère mourait naturellement, tu la mangerais ? »
Ça m’a beaucoup fait rire, alors je fais partager. Non, sérieusement. C’est
une question hypothétique, car j’ai rarement eu envie de cuisiner un lapin
trouvé mort d’une crise cardiaque sur le bord de la route. J’aurais sûrement
moins de remords à le bouffer que celui trouvé chez Leclerc, mais la cruauté
infligée aux animaux n’est pas la seule raison possible à un végétarisme. Du
coup, mort naturelle ou pas, ça change souvent pas grand-chose. (Puis merde, ça
reste un bon gros morceau de cadavre, quoi.)
« Et les animaux qui sont bien traités avant
d’être tués ? »
Pareil.
Et puis tuer, c’est pas bien traiter (oui, mon niveau de philosophie est digne de
celui d’une pomme verte). Bien sûr, je me bats en faveur d’un meilleur
traitement des animaux en abattage, mais ça n’est pas suffisant pour me faire
revenir à un régime omnivore.
« Mais ils sont nés et élevés pour être tués. »
Personne
ne naît pour être tué. C’est tout. L’Homme n’a pas à décider une naissance pour
son pique-nique du mois prochain.
« T’as pas l’impression de gâcher ? »
C’est
assez simple : si je n’achète pas, la consommation mondiale baisse, de
très peu. Lorsque des milliers de personnes font de même, la consommation
mondiale baisse, de beaucoup. Il faut savoir qu’il faut en moyenne neuf
calories végétales pour créer une calorie animale (rapport au fait de nourrir
les vaches dans les fourrages et tout). En forçant des naissances à répétition,
on crée un besoin de calories végétales. La nourriture est extrêmement mal
répartie sur la planète. Avec ce que nous produisons, il ne devrait pas y avoir
de famine, nulle part. Tout est un problème de répartition. Et c’est là-dedans
que se trouve le gâchis, pas quand je trie les lardons d’une quiche lorraine. Et ceci répond du même coup à « Tu penses aux petits Africains qui crèvent de faim ? ». Je suis multifonctions. Comme les télécommandes.
« Non mais y’a des végétariens qui fument,
alors les raisons de santé, j’y crois pas trop. »
Chaque
végétarien/végétalien/vegan a des motivations différentes. C’est parfois à
cause de la cruauté envers les animaux, parfois pour des raisons de santé,
parfois les deux. C’est parfois même juste par dégoût de la viande. Cette
dernière raison est beaucoup plus courante que vous ne le pensez. C’est le cas
de La Maman des Dragons, par exemple, notre presque plus pesco-végétarienne
nationale. Et il arrive que des convictions viennent ensuite se greffer sur ce
dégoût premier.
« Et si on te filait un million d’euros pour
en manger, tu le ferais ? »
Oh,
oui, certainement. Je file 250 000 à WWF après. (AH AH, JE MENS, JE GARDE
TOUT POUR MOI, TOUT.) J’attends encore le mec qui me montrera un vrai million
après cette proposition. Parler au conditionnel comme ça, c’est souvent
inutile, ça crée des crises dignes d’une partie de Monopoly, et il en résulte
que… On ne peut jamais savoir ce qu’on ferait si l’opportunité se présentait
vraiment.
« Et si t’étais bloquée sur une île déserte à
mourir de faim ? »
Pareil.
Je pense que j’en mangerais, oui, mais bon, il faudrait que j’attende d’être
sur mon île pour aviser. Surtout que je pense que je mourrais de déshydratation
avant.
« Ça te manque pas ? Elle est pas triste,
ta vie, sans viande ? »
Si,
je pleure tous les soirs dans mon lit. Sérieusement, si vous avez besoin de
viande pour que votre vie vous convienne, c’est un peu inquiétant. J’aime la
nourriture, et je n’ai aucunement besoin de viande ou de poisson pour me faire
une bonne bouffe. J’ai appris à cuisiner sans et à lire une carte de restaurant
en éliminant d’office tout plat à risque. On trouve toujours le plat qui n’est
pas une salade et qui ne contient pas de chair animale.
« Non mais j’ai déjà essayé le végétarisme,
moi ! Une semaine. »
Euh…
Mouais. Non. Sans méchanceté, je pense qu’il faut un peu plus longtemps que ça
pour avoir réellement conscience de ce que ça représente au quotidien. Ça n'a rien de compliqué, mais ça impose une vraie conscience de soi, avec le
contrôle qui l’accompagne. Cette dernière phrase répond en même temps à « Moi j’aimerais bien être végétarien, mais je
pourrais pas. »
« Non mais je suis végétarien, moi. Je mange
que du poulet, du foie gras, des hamburgers et du bacon. »
(Véridique.)
C’est
très bien, cher monsieur de ma fac, de vouloir choisir tes viandes, mais
végétarien n’est pas vraiment le mot qui convient. (Ce monsieur illumine mes
après-midis sombres à l’université.)
« Mais, euh... T’es musulmane ? »
Non.
Un musulman peut manger de la viande, à condition de respecter certaines
conditions. Wikipédia te l’expliquera très bien.
« Ou alors tu t’inspires de l’Inde ? Ils
sont tous végétariens là-bas. »
Non,
vraiment. C’est archi-faux.
« Tu sais pas ce que tu rates ! »
Bah…
Si. J’ai été omnivore pendant dix ans.
« Et tes enfants, ils seront
végétariens ? »
Bah…
Non. J’ai eu le choix, ils l’auront aussi. Comme pour leur religion, ou même
leur bac (à partir du moment où ils font un bac L).
« Et plus jamais tu remangeras de viande ? »
Si on m'avait dit, à sept ans, que je ferais une croix sur les côtelettes d'agneau, je ne l'aurais jamais cru. Comme quoi je peux m'auto-surprendre ! Mais je ne pense pas que ce soit pour demain.
Bonus : « Tu manges que des graines, en fait ? »
Ah
oui, et arrêtez d’essayer de nous mettre des morceaux de poulet rôti sous le
nez en disant « Mmmmh, t’as envie d’en manger, hein ? ». Ça a
arrêté d’être drôle au moment même où le premier mec en a eu l’idée.
Et si vous voulez voir les fruits de ma collaboration sur cet article avec la Youtubeuse La Fille aux Soufflés, c'est ici !
Yay, le Maître d'armes à la fin ! \o/
RépondreSupprimerA part ça je suis assez morte de rire, car je suis omnivore mais carencée de partout, donc clairement oui, ça ne joue pas. Par contre je vais sortir un classique et cliché "personnellement je ne pourrais pas", même si je respecte tes convictions, tes dégoûts et tout parce que se priver de kebab, de shawarma, d'hamburgers, de nuggets ou de steak... très peu peu pour moi.
En tout cas, j'ai appris de nouveaux mots (pescétanisme, pollotarisme), merci. ^^ (je ne garantis pas de ne pas continuerà à jouer à "find the vegan" sur Tumblr, quand même. Je sais que toi, tu ne l'es pas ; mais même si ce n'est pas la majorité, certains d'entre eux sont VRAIMENT extrêmes et c'est parfois ridicule).
Ah ah, ne t'inquiète pas, je suis la première à me moquer des végétariens ! Si un jour je faisais de la politique, mon slogan serait "Tuez un végétarien, sauvez une salade." Je trouve qu'on en fait un peu trop pour un simple régime alimentaire. J'ai l'impression que les gens me définissent par rapport à ça, alors que c'est juste que... Pendant un brunch, je mangerais pas de bacon.
SupprimerEt puis regarde, moi aussi, je respecte les convictions des vegans, mais franchement... Je ne pourrais pas ! Comme je l'expliquais, il faut vraiment en avoir envie et avoir un contrôle de soi de niveau 95. On verra ça dans vingt ans, je crois.