Par Alabama
(Gare
aux spoilers. Ils seront tous en gris pour que vous puissiez les fuir comme la
peste.)
« Regarde Supernatural. » « Non. » « Regarde Supernatural,
alleeeez. » « J’ai regardé
le premier épisode. C’était tout moisi. » « Allez ! Je te fais un résumé des trois premières saisons, comme ça
t’arrives directement à l’arrivée de Castiel ! » « Non. » « Allez ! » « Bon,
d’accord. »
Trois
ans. Trois ans pour que les harcèlements de Rainbowl visant à me faire regarder cette série
baignée dans le n’importe quoi absolu aboutissent. Trois ans, et elle a réussi. Une fois
installée devant mon écran et la saison 4, j’ai avalé les épisodes comme un
hamburger végétarien de chez Joe Allen.
Vous voulez savoir le pire ? J'ai écrit la blague nulle ci-dessus avant même de trouver l'image. |
Supernatural,
c’est cette série qui était vaguement diffusée dans la Trilogie du Samedi sur
M6. Bon, je n’avais pas le droit de regarder. Ma Maman était responsable.
Enfin, je n’avais pas le droit de regarder Buffy
non plus. Ma Maman était un tyran.
Me donner envie de regarder une série aujourd’hui, c’est une épreuve de force. Pour ma pauvre petite défense, il faut dire que le synopsis de la bête ne donne franchement pas envie. En très gros, c’est l’histoire de deux frères, Dean et Sam Winchester, qui partent à la chasse aux méchants démons, méchants anges, méchants vampires, méchants… tu sais pas trop quoi, parce qu’ils sont trop vénères que leur mamounette ait été tuée par un autre méchant pas beau. Ils sont ultra badass, pas trop immondes à regarder, y’a du rock des années 70, une super bagnole, des motels américains pourris comme on aime, de super nanas qui meurent au bout d’un épisode, des acteurs qui n’ont que deux expressions et des affiches publicitaires plus-kitsch-tu-meurs. Bref, ça passe très bien dans la Trilogie du Samedi. Et c’est typiquement le genre de trucs qui m’ennuie rapidement.
"Nous vivons kitsch, respirons kitsch, mangeons kitsch. REJOINS-NOUS." |
Si
je reste accrochée à cette série telle une moule à son rocher, c’est (oui,
aussi pour les blagues de Dean, oui) parce que si quelque chose est possible,
ladite chose sera faite dans SPN. C’est
très nul à dire comme ça. La série, c’est un format absolument génial, parce qu’il
y a une constante communication avec la fanbase. SPN en particulier. La fanbase de cette série est énorme et très
active sur Internet. Fanfics à la pelle, fanart, tweets permanents (je laisse
ça là). Les scénaristes en jouent. C’est sûrement en partie ce lien assez
intime entre créateurs et public qui encourage le truc que les gens qui font
des dissertations appellent métafiction. La fiction sur la fiction. La fiction
qui parle d’elle-même. Oui, « méta », en grec, ça veut dire « après, au-delà », et, par extension « à propos ». Mon prof de grec de prépa serait tellement fier de moi. Les métatrucs, c’est quelque chose qui se fait beaucoup, dans tous les
domaines artistiques. On parle du métathéâtre, de la métapoésie ; enfin
bref, vous mettez « méta » devant n’importe quoi, ça fonctionne.
Quel rapport avec les chaussettes, donc ? Vous savez, tous ces trucs débiles qu’on s’est déjà imaginé (dites-moi que je ne suis pas la seule), du genre : « Tiens, qu’est-ce qu’il se passerait si les personnages de telle série se retrouvaient dans la peau des acteurs qui les interprètent ? » « Eh, t’imagines si la série existait dans la série elle-même et que les personnages avaient des fans ? » « Franchement, parfois, il faudrait que les personnages se rendent compte que tous leurs cliffhangers [gros suspens à la fin d’une saison ou d’un épisode] sont les mêmes. »
Métainterview. |
Quel rapport avec les chaussettes, donc ? Vous savez, tous ces trucs débiles qu’on s’est déjà imaginé (dites-moi que je ne suis pas la seule), du genre : « Tiens, qu’est-ce qu’il se passerait si les personnages de telle série se retrouvaient dans la peau des acteurs qui les interprètent ? » « Eh, t’imagines si la série existait dans la série elle-même et que les personnages avaient des fans ? » « Franchement, parfois, il faudrait que les personnages se rendent compte que tous leurs cliffhangers [gros suspens à la fin d’une saison ou d’un épisode] sont les mêmes. »
Tout
ça se passe dans SPN. Dean et Sam se
retrouvent, dans la saison 6, dans la peau de leurs acteurs, Jensen Ackles et
Jared Padalecki. Oui, on découvre que Supernatural
existe dans Supernatural sous forme
de bouquins, et qu’ils ont des fans, et que ces fans font des conférences sur
eux, et du cosplay, et des jeux de rôle, et qu'ils veulent se marier avec
eux et avoir plein de bébés Sam et Dean. Oui, les personnages se moquent en
permanence du fait qu’ils meurent à la fin de chaque saison, qu’ils ont
toujours les mêmes conversations niaises sur leur fraternité et leur amour sans
borne. Oui, ils ont fait un épisode musical. S’ils ont un ange qui n’est jamais
trop descendu sur Terre, évidemment qu’il va aller dans un club de strip-tease pour dire à une jeune femme que si elle exerce ce métier, c’est à cause de son
père. Et qu’il va regarder du porno en essayant de comprendre le scénario. Et
qu’il va tenter de reproduire ce qu’il a vu après. Si on peut avoir Cupidon
comme un gros monsieur qui se promène à poil et qui rigole pour n’importe quoi,
on va l’avoir. Et Lucifer qui torture les gens en leur jetant de la nourriture
dessus. Un épisode où Sam et Dean sont bloqués dans des programmes télé juste
parce que ? Absolument. Un Dean fan de Clint Eastwood ? Bien sûr qu'on va le transporter jusqu'au far west pour bien le désillusionner. Et si on peut avoir un épisode qui lui-même s’appelle
Meta Fiction, on l’aura.
Casser le quatrième mur d'un simple regard ? Bah oui. Evidemment que oui. |
Evidemment. C’est SPN. C’est n’importe quoi, et c’est ça qui est génial. Si c’est possible, c’est là-dedans. Et, franchement, ça fait du bien. Une série qui fait juste ce qui l’amuse. Certains pourraient appeler ça du fanservice. Je vois ça comme une sorte de gros délire entre potes. Sincèrement, qui regarde SPN pour les intrigues sur les méchants démons ?
Supernatural fonctionne parce que la série a appris l’autodérision.
Je pourrais par exemple citer cet épisode qui tourne autour des vieux films d’horreur.
Conséquence logique : tout l’épisode est tourné comme tel, en noir et
blanc, avec de vieux effets tous pourris. Il y a un certain recul, un certain
humour marqué de dizaines de milliers de références allant du Seigneur des Anneaux à des chanteurs
totalement inconnus du monde moderne. Et c’est grâce à ce recul que les
passages dramatiques, tragiques ou un peu niais ne sont pas ridicules.
Supernatural, c’est dix saisons. De vingt-trois épisodes chacun.
De quarante-cinq minutes chacun. Autant dire que c’est beaucoup. Mais ça marche
toujours. Les scénarii marchent. Les acteurs ne sont pas lassants. Et c’est grâce
à tout ça. Grâce à cette pluralité des inspirations, des genres, des blagues
auxquelles parfois j’ai honte de rire tellement elles sont nulles, évidentes,
et qui pourtant ne sont assumées que par cette série. Supernatural oublie d’être aseptisée comme la plupart de ses sœurettes.
Je crois que c'est le meilleur argument que j'aie pour vous donner envie de regarder. C'est souvent dans les œuvres qui, de loin, ne payent pas de mine qu'on trouve la liberté nécessaire pour réinventer. SPN a décidé de le faire en cassant le quatrième mur, en se regardant dans un miroir et assumer ce qu'elle est jusqu'à en jouer.
SPN a un gif pour tout. C'est très important à savoir. |
Conclusion : les mecs, vous êtes coolos.
(Si
quelqu’un a 26 000 euros pour que je puisse m’acheter une Impala, je suis
preneuse.)
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