Par Rainbowl
Vous pouvez écouter ça pendant votre lecture, c'est encore plus sympa !
SOS-Homophobie définit
le coming out comme « l'annonce
volontaire d'une orientation sexuelle ou d'une identité de genre à son
entourage ». L'expression coming out vient du verbe anglais to come out, qui signifie « sortir de ». Mais
sortir de quoi ? Du "placard", l'endroit dans lequel on se
"planque", où l'on cache son désir, où l'on se réfugie parce qu'on a
peur de ce qui pourrait arriver si l'on révèle qu'on est lesbienne, gay, bi ou
trans. » Ceci étant dit, vous noterez que le coming out est désigné comme un événement unique, qui n’arrive
qu’une fois. On fait son coming out
et paf ! C’est fait, on est débarrassé. Cet article a pour objectif de
tuer cette idée absolument fausse d’une part, et d’autre part, d’expliquer un
peu ce que l’on ressent quand on fait le sien, de coming out.
Oh, Billy Brown had lived an ordinary life, Two kids, a dog and the precautionary wife, While it was all going accordingly to plan, Then Billy Brown fell in love with another man
Comment commencer ? Déjà, pourquoi fait-on son coming out ? Je vais parler ici de mon cas personnel, je ne prétends pas parler au nom de toute la communauté LGBT. Pour ma part donc, j’ai cerné deux raisons principales me poussant à me confier à des proches. La première, c’était le simple besoin de se confier justement, tout simplement, l’envie d’être sincère avec des gens que j’aime, mais aussi de me libérer d’un secret qui était parfois lourd. C’était l’envie d’en parler tout simplement. Ce fut la raison de la première fois que j’ai fait mon coming out, à ma meilleure amie, ce fut la raison de mon coming out à ma mère. J’étais à l’époque encore pleine de doutes sur moi, ma sexualité, ma vie en général. En parler, c’était l’admettre à moi-même. Je ne disais pas : « Je suis bisexuelle », car je croyais l’être à l’époque, je disais : « Je crois que j’aime aussi les filles. ». C’était moins la révélation de ma vraie identité que la confession de mes interrogations sur ma vision jusqu’ici très hétéronormative de l’amour et de la sexualité. (L’hétéronormativité, c’est considérer l’hétérosexualité comme la norme, par exemple, me penser hétéro sans me connaître. Tout le monde est hétéro, le monde il est beau, et bye bye les queers.) Quelque part, je n’étais pas encore lesbienne, je n’étais même pas bisexuelle, même si j’aimais réellement les femmes, mais encore hétérosexuelle, car je ne percevais pas l’ampleur de cette révélation sur ma vie. Simone de Beauvoir disait « On ne naît pas femme, on le devient. » ; il m’arrive de penser que c’est la même chose pour l’homosexualité. Si mon attirance claire pour les femmes ne date pas d’hier, mon homosexualité est finalement assez récente. Elle est apparue avec ma deuxième raison de faire mon coming out.
Brown, oh, Billy Brown, Don't let
the stars get you down, Don't let the waves let you drown
Brown, oh, Billy Brown, Gonna pick you up like a paper cup, Gonna shake the water out of every nook, Oh, Billy Brown
Je précise que la
première raison n’a pas disparu. Je fais toujours mon coming out par envie d’être sincère avec la personne à qui je
parle, cela pouvant être lié, selon ma proximité avec la personne, à un désir
de me confier plus librement sur ma vie sentimentale. Les doutes ont cependant
disparu, et je dis désormais : « Je
suis lesbienne. », enfin à peu près, Alabama pourra témoigner de mon
étrange confession. En disant cela, j’affirme surtout autre chose, qui est
l’objet de ma deuxième raison : « Je
ne suis pas hétérosexuelle. ».
Oh, Billy Brown needed a place somewhere to go, He found an island off the coast of Mexico, Leaving his lover and his family behind, Oh, Billy Brown
needed to find some peace of mind
En effet, avec les
années est né un militantisme plus ou moins fort selon les jours, mais toujours
présent. Je ne suis pas de ceux ou celles qui pensent qu’il faut rester caché.
Sans avoir envie de crier haut et fort ma différence, je la revendique
socialement. Ne me demandez pas si j’ai un petit ami, j’aime les femmes. Ne me
demandez pas mon type de mecs, j’aime les femmes. Ne pensez pas que je
suis hétéro « par défaut », j’aime les femmes, et pas les hommes.
Avec le temps, mon homosexualité s’est ancrée dans ma personnalité, ou plutôt
je me suis révélée. On dit qu’on sera toujours le même, homo ou pas :
c’est faux, car avant on n’était pas vraiment soi-même. Ce n’est pas que l’on
change, c’est que l’on devient la personne qu’on devait être, mais que le déni
nous avait empêché de connaitre. Avant, je faisais mon coming out plus pour moi que pour les
autres. Maintenant, c’est un acte social, j’allais dire politique, un vrai défi
permanent. Un défi, oui, car, je dois être honnête, je déteste le faire. Non
pas parce que je ne suis pas fière de mon identité, mais parce que je déteste,
oui je déteste le regard de l’autre personne au moment de l’aveu.
And on his journey and his travels on the way, He met a girlie who was brave enough to say
C’est difficile à
décrire. Vous êtes en face de quelqu’un que vous appréciez, que vous aimez, ou
même que vous connaissez depuis peu, mais vous sentez la naissance d’une
amitié. Vous lui dites votre homosexualité. Et l’espace de quelques secondes,
le regard de cette personne va se bloquer. Je ne vois pas comment l’exprimer
autrement. L’espace de quelques secondes, l’univers s’arrête, et vous, vous ne
savez pas. Vous ne savez pas comment la personne va réagir, vous ne savez pas
quoi dire, ni quoi faire, vous savez juste que vous devez attendre et espérer.
Espérer que tout se passera bien, que vous aurez de la chance cette fois. C’est pile ou face, soit vous perdez une relation, soit vous en gagnez une. Pour
résumer, pendant quelques instants, vous ne savez pas si vous avez affaire à une
personne homophobe ou gay friendly, et
je vous prie de me croire que ces instants-là sont insupportables. A cela se
rajoute le fait que vous pouvez presque voir dans les yeux de cette personne
votre image qui change dans son esprit : vous étiez hétéro, vous êtes
homo. C’est tout bête, et ça veut dire beaucoup. Elle reconsidère ce qu’elle
sait de vous jusqu’à présent, pour certainement revenir à la vision habituelle
qu’elle a de vous, car au fond, ce qu’elle sait de vous à part cela ne change
pas. Il n’empêche que pendant quelques instants tout change. Et même si tout
redevient normal, il a fallu passer par là. Je sais tout cela, j’ai cru être
hétéro, et à cette époque, j’ai eu droit à un coming out. J’ai accepté l’homosexualité de ces amies (encore
heureux…), mais je sais, je me souviens, que je suis passée par ce mini travail
mental. Je suis de l’autre côté de la barrière et je le subis maintenant.
Je n’en veux pas aux
hétéros. J’en veux à cette société hétéronormative, qui me force à déclarer ma
non-hétérosexualité tous les jours. Un coming
out, c’est à chaque rencontre, vous imaginez ? Chaque rencontre qui
aboutit à une relation plus solide en tout cas. On ne fait pas son coming out, on vit dans un coming out permanent. J’aimerais me
balader avec un post-it « lesbienne » sur le front.
When they made
love he shared the burden of his mind, Oh, Billy Brown
you are a victim of the times
Je
sais ce que vous allez me dire : « C’est faux, moi ça ne change rien quand
on me fait un coming out, je réagis à
peine ». Peut-être que c’est vrai, je ne vous connais pas. Ce que je sais,
c’est que les seules personnes qui, de mon expérience, ont réagi sans me faire
souffrir sont les LGBT. La réaction de mon premier coming out, à ma meilleure amie, a été : « Oh, MOI
AUSSI ! ». Je vous laisse imaginer à quel point c’est rassurant d’entendre
cela. Je ne demande pas aux hétéros de devenir homos pour me faire plaisir, je
dis simplement que seul un-e LGBT comprendra immédiatement, car iel est passé
par là. Peut-être que je suis naïve, que tous les LGBT ne sont pas comme cela,
c’est possible. Je sais que moi, en tant que lesbienne, je considère très
rarement quelqu’un comme hétéro, sauf si j’ai eu une confirmation par la
personne en question. L’identité sexuelle de quelqu’un que je rencontre a la
forme pour moi d’un point d’interrogation. Je ne vois plus le monde hétéronomartivement,
mais comme il est rempli d’êtres différents de moi, des autres. On peut
dire que mon homosexualité m’a ouvert les yeux. Quand on me fait un coming out, j’accepte sans même
réfléchir, même pas un instant. Je comprends ce que les autres ne peuvent
comprendre. C’est comme ça, je suppose.
Cet
article était dur et facile à écrire. Dur, car il impliquait de revenir sur des
sentiments que je n’étais pas sûre de comprendre moi-même. Facile, car ces
sentiments une fois compris se sont naturellement formés en mots. Billy Brown, de Mika, nous a accompagnés
pendant cet article, car ses paroles se sont gravées dans ma tête en pensant à
chacun de mes coming out. Moi, j’aime
bien cette chanson…
Oh, Billy Brown had lived an ordinary life, Two kids, a dog and the precautionary wife, While it was all going accordingly to plan, Then Billy Brown fell in love with another man
Pour
finir, je vous conseille ce jeu, le coming out simulator 2014. Un jeu très intéressant, par Nicky Case, sur … le coming out. Je n’en dis pas plus.
Bisous !
merci pour ce témoignage :) tu réussis à nous faire "vivre" l'effet d'un coming-out, c'est très intéressant !
RépondreSupprimerMerci de m'avoir lue ! Eh bien, c'était un peu le but, je suis contente de voir que j'ai réussi... Merci encore !
SupprimerMerci beaucoup pour ce témoignage. C'est très juste, cette idée que le regard se "bloque", c'est tout à fait cela chez mes connaissances hétéro "non-allies", je dirais, qui ont appris ma bisexualité (je dis "non-allies" car certains ont tout de même réagi de manière plus neutre). Et c'est vrai aussi que les personnes qui m'ont le plus soutenues et acceptées, ce sont celle du monde LGBTQA.
RépondreSupprimerEnsuite, personnellement, ces dizaines de coming-outs, je les fais différemment ou du moins, avec des tournures différentes : soit en glissant un "j'aime aussi les filles/je n'aime pas que les garçons", soit en prononçant un nom féminin suivi de "mon ex", soit en annonçant juste, comme tu expliques toi-même le faire "je suis bi".
Mais franchement, j'aurais détesté avoir un post-it mentionnant mon orientation sexuelle sur mon front, d'une part parce ma grand-mère n'y survivrait pas (XD) et d'autre part en raison de la pluie de préjugés qui pleuvent sur les bis. Sur les gays aussi, sûrement, mais alors nous... Du petit ami qui pense que bi = "polyamoureuse" (attention, je n'ai rien contre les polyromantiques mais moi, ce n'est pas mon cas) et qu'on va donc forcément le tromper avec une fille, à la connaissance qui demande si on a déjà fait des orgies... C'est le festival de la connerie. *facepalm*
Sinon, effectivement, "Billy Brown" est une sublime chanson, vive Mika ! <3
Alors là, j'imagine même pas ce que tu dois te prendre comme bi. Limite, j'ai l'impression que les gens acceptent plus homo ou hétéro, alors que bi pour eux c'est pas possible. Comme quoi on a beaucoup de boulot à faire... Ca m'intéressait d'ailleurs d'avoir un témoignage de bi, parce que je ne me rends pas toujours compte :)
SupprimerSinon, je suis contente de voir que toi aussi tu t'y reconnais, j'avais peur de décrire seulement quelque chose qui me concernait... Et oui, il y a plusieurs façons de faire. Justement, j'ai dit à Alabama ce jour là : "Je n'aime pas les garçons", presque pas assumé en fait ! Dire "j'aime les filles" me semblait trop violent...
Mika Mika Mika Mika ! <3
c'est un témoignage très touchant qui peut ouvrir les yeux a (j'espère) quelques hétérosexuel encore fermés. Bravo! =)
RépondreSupprimerMerci beaucoup :) C'est bête à dire, mais je pense qu'en effet les gens sont moins fermés quand on exprime sincèrement ce qu'on ressent...
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